C’est le thème que j’aurais aimé voir développé durant l’atelier « Jeux interdits : les filières de la triche » en ce premier jour de l’Université d’Eté 2007 du MEDEF.
Mais y a-t-il vraiment crime ?
En effet le président de Médecins sans Frontières nous explique que les contrefacteurs ont le champ libre en Afrique en raison de l’indisponibilité des médicaments fabriqués par les grands laboratoires. Il donnerait presque raison aux contrefacteurs et ne soulève pas le principal danger de ces contrefaçons : celui lié soit à leur absence d’effet thérapeutique, voire leur toxicité. Il en oublie même que ces trafics se font au dépend des populations locales et enrichissent les mafias internationales.
Je ne vais pas plaindre les laboratoires pharmaceutiques, mais un tel raisonnement ne risque pas de les inciter à donner des licences pour fabriquer des génériques à bas coût pour les populations en ayant besoin.
Le Directeur Général des Douanes, lui, nous brosse un tableau de chasse aux trafiquants à coup de tonnes ou de centaines de milliers d’objets saisis lors de contrôles. C’est la pêche au gros ! Mais face à une question concernant l’action des autorités pour faire cesser la vente de contrefaçons sur un grand site de ventes aux enchères sur Internet, où sont écoulés des centaines de milliers de faux articles de grandes marques de luxe chaque année, il avoue l’impuissance de ses services en raison « du travail de fourmis » qu’il y aurait à faire pour lutter contre ce trafic. Il est pourtant bien connu que ce sont les petits ruisseaux qui font les grands fleuves, même dans le domaine de la contrefaçon.
J’avouerais avoir été un peu déçu par cet atelier qui manquait de fond. Ce n’était pas un débat, une discussion avec le public, mais une succession d’interventions chronométrées.
Je m’attendais à ce que l’on soulève l’aspect économique de la contrefaçon en terme de coût pour la nation et pour les entreprises. Je reconnais que cela a été effleuré mais presque de façon incidente.
Pourquoi ne pas évaluer la part de responsabilité des entreprises délocalisant, notamment en Chine, et qui, par le transfert de technologie, donnent les armes pour les battre sans se donner les moyens de contrôle de leurs sous-traitants. N’y a t-il pas là une sorte de modus vivendi «tu me fabriques pour pas cher, et je ferme les yeux sur ce qui est produit en plus, hors du circuit ».
En résumé, au même titre que certains fabricants de cigarettes ont été soupçonnés d’alimenter eux-mêmes les circuits du trafic, certaines entreprises victimes de la contrefaçons ne sont-elles pas aussi un peu complices « à l’insu de leur plein gré » de ce marché parallèle ?
Et si ce n’est pas le cas, pourquoi ne pas frapper fort pour démanteler ces réseaux mafieux, dont les premières victimes sont les ouvriers asiatiques travaillants dans des conditions proche de l’esclavage, les travailleurs des pays développés perdant leurs emplois au profit de ces derniers et les consommateurs croyant faire une bonne affaire en achetant un produit contrefait qui sera au moins de piètre qualité, au pire dangereux lorsqu’il s’agit de médicaments, de produits de beauté ou de pièces automobiles par exemple.
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Patrice Vuillard