Roger Karoutchi répond.
En relançant l'idée d'un "Grand Paris", Nicolas Sarkozy donne l'impression de vouloir "reprendre en main" l'Ile-de-France. Quelles sont ses intentions?
C'est une fausse impression. Il n'y a aucune "reprise en main". Il est normal que le Président de la République, qui est lui-même francilien, exprime sa vision de l'Ile-de-France. C'est une région qu'il connaît bien. Il connaît ses atouts et ses blocages. Il sait que l'organisation actuelle ne permet pas de sortir des grandes difficultés dans lesquelles nous sommes empêtrés. Depuis trois ans, les statistiques de l'Insee démontrent que l'attractivité de la région s'affaiblit. Elle perd des positions par rapport aux régions de Londres, Barcelone, Francfort ou Amsterdam. Il est temps de la réorganiser pour lui redonner un rôle central en Europe. Ce qui justifie l'intervention de Nicolas Sarkozy.
Jean-Paul Huchon (PS) dénonce une "conception jacobine d'un autre temps"...
Le président du conseil régional dit: "Stop, ne touchez à rien, c'est à la région de le faire". Dès lors que le système ne fonctionne pas, les pouvoirs publics ne peuvent être absents de la vie de plusieurs millions de personnes. D'ailleurs, le constat vient de tous les côtés: quand Bertrand Delanoë lance son idée de conférence métropolitaine avec les communes périphériques, je ne suis pas d'accord avec la méthode (il se contente de faire de la négociation bilatérale avec ses voisins); mais cela prouve bien qu'il est nécessaire de faire quelque chose. Il faut donc trouver des solutions, initier de nouvelles structures. Celles-ci ne se substitueraient pas à la région. Nous ne déclarons la guerre à personne. Jean-Paul Huchon le prend mal parce que, de sa place de président de région, il s'imagine comme le coeur du dispositif... Ce qui serait le cas s'il prenait des initiatives.
Cela ne va tout de même pas dans le sens de la décentralisation?
Cette critique me fait sourire. L'exécutif du conseil régional n'a pas arrêté de dire que le "désengagement de l'Etat" en Ile-de-France était un scandale. Il faudrait savoir.
"Aucune intention électorale "
C'est le désengagement financier qui est dénoncé...
Le désengagement tout court. La vérité, c'est que l'exécutif régional essaie d'en faire une bataille politique, entre une région de gauche et un gouvernement de droite. Je note au passage qu'on entend peu l'exécutif parisien dans cette affaire. Car, en réalité, ce débat est transversal. Certains élus de droite sont très méfiants à l'idée d'un Grand Paris, certains élus de gauche ne supportent pas que rien ne se fasse. La question dépasse largement les clivages. La concentration des difficultés est telle que les acteurs publics doivent accepter de discuter avec l'Etat pour dépasser leurs problèmes locaux et avoir une vision globale. Je vais d'ailleurs demander un rendez-vous avec Bertrand Delanoë.
Pourquoi maintenant, à neuf mois des municipales?
Il n'y a aucune intention électorale dans cette affaire. D'ailleurs, les propositions concrètes ne seront discutées que fin 2008 pour de ne pas interférer avec les élections municipales. En même temps, la région est dans une période clé, en plein cheminement sur le Schéma Directeur (SDRIF). Il était urgent de lancer la réflexion.
Quelle forme pourrait prendre ce Grand Paris voulu par Nicolas Sarkozy?
Il n'est pas question de recréer l'ancien département de la Seine. Faut-il une communauté urbaine? Je suis hésitant. Une première étape, pour ne pas brusquer, pour ne pas faire peur, pourrait être de mettre en place assez rapidement un syndicat intercommunal, moins contraignant, comme il en existe déjà, sur le traitement des déchets, sur l'eau, sur l'énergie... Ensuite, on pourra évoluer vers une vraie communauté d'agglomération.
Quelles seraient les compétences d'une telle intercommunalité?
Il s'agit de répondre aux grandes difficultés de la région. 1) Le développement économique et l'emploi: l'Ile-de-France a malheureusement rattrapé le niveau de chômage national depuis cinq ans. Paris se vide de ses entreprises, ce qui pose le problème de l'inadéquation entre les transports, les logements et l'activité. 2) Le logement: le prix de la pierre et des loyers a explosé. On est aujourd'hui dans une situation compliquée, avec trois établissement publics départementaux d'aménagement foncier (Val-d'Oise, Yvelines, Hauts-de-Seine) et un établissement régional. Il n'y a pas de cohérence. 3) Les transports, publics et routiers. Ils sont de plus en plus saturés et embouteillés, et pâtissent de politiques contradictoires à Paris et dans les départements périphériques.
5 millions d'habitants
Quelles pourraient être les frontières de ce Grand Paris?
Elles sont à définir. On peut imaginer que l'espace, que je me refuse à appeler Grand Paris, recouvre entre 95 et 110 communes, soit près de 5 millions d'habitants.
Nicolas Sarkozy a annoncé la tenue d'un Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) dédié à l'Ile-de-France, fin 2008. Qui pilotera le dossier? Le nom de François Baroin a été cité...
Non, François Baroin est plus intéressé par les élections régionales en Champagne-Ardenne, puisqu'il est député-maire de Troyes. Le président de la République désignera peut-être un parlementaire en mission pour réfléchir à la question. En attendant, tous les ministères participeront à ce CIADT. Tout le monde doit faire des propositions: la région, les départements, la ville de Paris, les communes concernées, le préfet de région...
L'Etat aura-t-il les moyens de ses ambitions. Combien mettra-t-il sur la table?
Je l'ai dit au président de la République: je suis d'accord avec tout ce qu'il a dit sur métrophérique ou sur un certain nombre de liaisons et cela implique un apport financier très important. L'Etat devra dire: nous demandons à la région de faire des efforts d'adaptation, en contrepartie nous ferons un effort financier, notamment sur les transports.
Pouvez-vous chiffrer cet effort?
L'effort nécessaire des acteurs publics en matière de transports est, à court et moyen terme, considérable: sans doute au moins cinq milliards d'euros... Rien que pour les transports publics, la SNCF n'a pas investi en Ile-de-France depuis près de vingt ans, tous gouvernements confondus. Le retard à rattraper est énorme. Ce ne seront pas des dépenses inutiles.
Roger Karoutchi
Secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement et président du groupe Majorité Présidentielle au conseil régional d'lle-de-France
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